SERIA (OPERA)

SERIA (OPERA)
SERIA (OPERA)

SERIA OPERA

Par opposition à l’opera buffa, mais en coexistence avec lui, l’opera seria est un terme désignant en Italie, dès le début du XVIIIe siècle, un type d’opéra fondé essentiellement, selon des règles musicales et dramatiques bien précises avant de devenir tyranniques, sur une succession de situations nobles ou tragiques plus ou moins comparables (toute question de valeur mise à part) à celles des tragédies de Racine. L’origine s’en trouve à Naples, qui, à la fin du XVIIe siècle, succède à Rome et à Venise comme principal foyer d’activité musicale de la Péninsule, et où se produit le grand Alessandro Scarlatti (1660-1725); auteur de cent quinze œuvres lyriques (dont beaucoup sont perdues) avec à leur tête sans doute Mitridate Eupatore (1707), il s’adapte à la fin de sa vie, non sans regrets, à la transformation du goût à Naples: écriture homophone, mélodies aux rythmes simples, prédominance des arias da capo . Mais ce sont surtout ses innombrables successeurs, bien entendu ni tous Napolitains ni même tous Italiens, qui fixent le type d’opéra uniforme et cosmopolite destiné à conquérir toute l’Europe sauf la France. À la base de leur action se trouve celle des deux fameux librettistes Apostolo Zeno (1668-1750) et Pietro Trapassi dit Metastasio ou Métastase (1698-1782); à ce dernier surtout revient le mérite d’avoir supprimé des intrigues tout élément comique et le maximum de bizarreries, et d’avoir su créer des drames fondés le plus souvent sur des épisodes de l’histoire antique, donnant des exemples de vertu et des leçons de morale rationnelle, avec comme méthode de construction une alternance de récitatifs faisant progresser l’action (mais où la musique est réduite au minimum) et d’airs exprimant à grand renfort de musique un sentiment ou une situation (mais où l’action s’arrête). De ce vice fondamental (la non-concordance de l’action et de la musique), la responsabilité première n’incombe ni à Métastase, qui malgré tout a du génie, ni aux compositeurs, qui ont pour nom Leonardo Vinci (1690 env.-1730), Antonio Maria Bononcini (1677-1726), Niccola Porpora (1686-1768), Leonardo Leo (1694-1744), Niccolò Jommelli (1714-1774) ou Tommaso Traetta (1727-1779), et aussi Johann Adolf Hasse (1699-1783) et Georg Friedrich Haendel (1685-1759), mais au style musical du temps, au baroque en musique, fondé ni sur l’action, ni sur les ambivalences psychologiques, ni sur la simultanéité d’événements, mais bien sur le mécanisme et l’expression d’affections et de passions définies avec précision et mises en scène une par une. D’où non seulement la succession des airs (et le rôle quasi inexistant des ensembles et des chœurs), mais aussi leur typologie à peu près fixe, ainsi que leur caractère interchangeable d’une œuvre à l’autre: aria cantabile , aria di portamento (sons longuement soutenus), aria parlante (rapide et passionné), aria di bravura , aria agitato ; d’où aussi le côté passe-partout de Métastase, dont la quarantaine de livrets seront mis en musique plus d’un millier de fois, certains soixante fois ou plus; d’où encore l’importance de la machinerie et la tyrannie des chanteurs (symbolisés par le célèbre castrat Farinelli) qui, selon leur valeur et leur renommée, exigent dans une œuvre tant d’airs de tel ou tel type à tel ou tel endroit, sans trop se préoccuper (comme d’ailleurs les spectateurs) de la vérité dramatique; d’où enfin, après des splendeurs indéniables, le déclin du genre, surtout avec la naissance du style classique, fondé sur l’action dramatique, de Haydn et de Mozart. Ceux-ci écrivent bien l’un et l’autre un opera seria (Orfeo ed Euridice et La Clemenza di Tito ) à une date aussi tardive que 1791. Mais alors existent déjà (pour ne parler que d’eux) Les Noces de Figaro , Don Giovanni et La Flûte enchantée , chronologiquement les premiers opéras à avoir tenu la scène sans interruption de leur époque jusqu’à nos jours; l’opera buffa, avec son accélération de l’action et ses personnages non plus dieux ou demi-dieux mais hommes, a lui aussi une histoire déjà longue; même la réforme de Gluck appartient au passé. L’opéra sérieux, bien sûr, n’est pas mort (Rossini élargira le genre, et le terme sera encore utilisé jusqu’au milieu du XIXe siècle); mais son histoire correspond alors à un autre chapitre de l’histoire de la musique.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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